Ferrari 250 «Breadvan»

Les conflits d’ego de certains hommes peuvent avoir des retombées étonnantes sur le destin de certaines voitures.

Ici encore, le châssis 2819, connaîtra une vie particulière pour des raisons très éloignées de la mécanique ou de la course.

Au départ il y a Enzo Ferrari, genial fondateur de la marque éponyme et son usine de Maranello d’où sortent les voitures les plus rapides des années 60. D’autre part, deux ingénieurs, Carlo Chiti et Giotto Bizzarrini travaillant à Modène sous les ordres de l’omniprésent Commandatore. Le troisième élément de cette dramaturgie, le comte Giovanni Volpi di Misurata, richissime propriétaire de l’écurie Scuderia Serenissima Republica di Venezia (SSS).

L’histoire du chassis #2819 commença le plus normalement pour une Ferrari des belles années.

La voiture est sortie d’usine en 1961 en tant que 250 GT SWB Berlinetta Competizion, châssis #2819, carrosserie en aluminium, LHD, équipée d’un moteur de type 168, n° 522, avec une culasse Testa Rossa développant 289 cv.

Elle est livrée au pilote belge Olivier Gendebien, une robe grise avec en son centre les couleurs nationales belges

Dans cette configuration, la voiture participa et terminera 2ème au Tour de France 1961 pilotée par Olivier Gendebien et Lucien Bianchi et portant le num 145.

En octobre de la même année, la voiture est vendue au comte Giovanni Volpi, elle est alors repeinte en rouge et participe au 1000km de Paris sur le circuit de Montlhery, conduite par Trintignant et Nino Vaccarella.

Elle participera également au 12 h de Sebring, pilotée par Colin Davis toujours pour le compte de la Scuderia Serenissima Republica di Venezia (SSS) .

Lors de cette même période, un événement important se déroula au sein de l’usine Ferrari. Les ingénieurs Giotto Bizzarrini et Carlo Chiti, travaillant sur la nouvelle arme de guerre de Maranello, la GTO, quittèrent le cheval cabré après de multiples conflits avec Enzo Ferrari. Ils vont, avec d’autres ex-employés de Ferrari, monter une structure indépendante du nom de ATS (Automobili Turismo e Sport). Structure ayant le soutien financier du comte Volpi.

Au même moment, Volpi commanda deux 250GTO à Ferrari en vue de les faire courir sous les couleurs de son écurie. Mais Enzo Ferrari ulcéré par la désertion de Bizzarini et de l’engagement de ce dernier par Volpi refusa d’honorer la commande.

Volpi, entrant dans une guerre ouverte avec Maranello, se mit en tête de construire une voiture pour battre les Ferrari officiel aux 24h du Mans et demanda à Bizzarini, Chitti et Drogo de travailler sur la carrosserie de sa SWB en vue de la rendre plus compétitive.

Les ingénieurs vont développer une carrosserie plus basse que celle des GTO avec une ligne tendue jusqu’a l’arrière de la voiture.

La position du moteur sera également modifiée. Ill sera plus bas et plus centré que sur la GTO, ce qui rendra la voiture plus agile. Le moteur et la boîte de la 250SWB seront conservés, seuls les trois carburateurs Weber 46 DCN seront remplacés par six Weber 38 DCN.

Sur la balance, #2819 sera 65 kilo plus légère que les GTO et leur 1000 kg.

Volpi dans un ultime geste de colère fit enlever les badges Ferrari de la carrosserie de sa SWB modifié et les remplacèrent par des badges Serenissima avant la présentation de la voiture.

#2819 fera sa première apparition aux jours de tests pour les 24h du Mans 1962, pilotée par Colin Davis et Carlo Mario Abate. Elle fut très rapide, dépassant toutes les GTO inscrites, malgré le lourd désavantage de sa boîte à 4 raports. ( Les 250 GTO ayant elles une boîte à 5 vitesses)

Malheureusement, le 23 Juin 1962 lors de la course, la voiture abandonna après 4 heures de course sur bris de transmission.

Plus tard dans la saison la voiture, toujours pilotée par Abate, fut alignée à Brands Hatch où elle termina 4ème. Puis toujours pour la Scuderia Serenissima, elle prit le départ des 1000 km de Paris se déroulant sur le circuit de Montlhéry où elle termina 3ème pilotée par Scarfiotti et Colin Davis.

La voiture participera encore à une course à Puerto Rico ce qui sera sa dernière course sous la bannière de la Scuderia Serenissima.

Le comte Volpi di Misurata garda la voiture comme voiture personnelle et roula avec cette dernière sur les routes italiennes et de la riviera française. Agnelli, amis du comte l’aurait conduite suite à un repas au casino de Monte Carlo. Il la trouva hideuse mais extrêmement rapide. La légende dit qu’il la nomma « le corbillard » et l’aurait refait peindre en noir pour faire enrager son ami. Légende qui ne fut jamais confirmée.

Suite à cela la voiture fut repeinte en grise et participera à sa dernière course en 1965 : la Coppa Gallenga portant le num 482 et pilotée par Edgardo Mungo.

En 1965 Ed Niles, citoyen américain, acheta la voiture pour la somme de 2800 $ avec 45841 kms au compteur. Puis, rebadgé Ferrari, elle passa alors dans les mains de plusieurs colletionneurs américains.

En 1971 la voiture arriva en Angleterre où elle passa également par plusieurs propriétaires avant qu’en 1974, Martin Johnson, un pilote anglais, acquit la voiture et participa à de nombreuses courses nationales.

C’est lors d’une de ces courses que la voiture fut gravement accidentée en 1976. L’avant de la voiture fut alors reconstruit en polyesther avec plus ou moins de réussite.

Au début des années 80, #2819 reprit la direction des USA où elle connaîtra à nouveau différents propriétaires. C’est en 1986 qu’elle fut acquise par son propriétaire actuel.

Ce dernier l’envoya à Modène, où elle fut restaurée par l’équipe de Gianni Diena de Sport Auto, dans la configuration des 24h du Mans 1962, remplassant les badges Ferrari par ceux de la Scuderia SSS.

Notons que le type de carrosserie sera également étudié par Pietro Drogo sur d’autres projets dont notamment la Maserati Tino 154 en 1965.

La voiture aujourd’hui :

Toute reproduction interdite sans l’autorisation de l’auteur – Reproduction prohibited without permission of the author

@waltheradriaensen pistonsandwheels

Un avis sur « Ferrari 250 «Breadvan» »

  1. Passionnant ce feuilleton !
    J’adore en particulier l’épisode où Enzo Ferrari refuse d’honorer une belle commande d’un gros client, vexé qu’il était de la défection de deux de ses ingénieurs !
    Quel caractère entier ! Tel qu’en lui-même, quoi ! Oui difficilement imaginable aujourd’hui!!

    J’aime

Votre commentaire

Entrez vos coordonnées ci-dessous ou cliquez sur une icône pour vous connecter:

Logo WordPress.com

Vous commentez à l’aide de votre compte WordPress.com. Déconnexion /  Changer )

Photo Facebook

Vous commentez à l’aide de votre compte Facebook. Déconnexion /  Changer )

Connexion à %s

%d blogueurs aiment cette page :